Nadia Gamha, Deputy Governor, Banque Centrale de Tunisie

19 July 2022

AFI Regional training on promoting Youth Financial Inclusion: Opening remarks by Nadia Gamha, Deputy Governor, Banque Centrale de Tunisie

Chers organisateurs de l’AFI, Honorables invités

Chers participants, Mesdames, Messieurs,

C’est pour moi un réel plaisir de procéder à l’ouverture de ce workshop organisé à l’attention des membres de l’AFI sous le thème « aspects pratiques pour la promotion de l’inclusion financière des jeunes », thème qui revêt une importance cruciale surtout dans un environnement mondial de plus en plus incertain économiquement et politiquement. Je n’ai d’ailleurs aucun doute qu’au cours de ces trois journées le débat sera riche et profond.

Je voudrais à ce titre exprimer au nom de Monsieur Marouane El Abassi, Gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie et en mon nom personnel, nos vifs remerciements à l’AFI d’avoir choisi la Tunisie pour abriter cet événement régional qui réunit des experts et de hauts cadres de pays frères et amis auxquels je souhaite un séjour parmi nous aussi agréable qu’utile.

Je tiens également à rappeler l’appui indéfectible de la Banque Centrale de Tunisie à soutenir toute initiative visant à promouvoir l’inclusion financière. D’ailleurs, nous souhaitons maintenir cette tradition et préserver ainsi cet espace de débat. Un rendez-vous annuel sur cette thématique permettrait d’en aborder les différentes facettes, d’évaluer l’état des lieux et d’identifier les mesures appropriées pour promouvoir la finance inclusive.

Mesdames et messieurs,

Comme vous le savez déjà, ces deux dernières années ont été marquées partout dans le monde par une crise aux facettes multiples dont les conséquences se prolongeraient certainement au cours des années à venir.

Cette crise nous a rappelé à quel point il est nécessaire d’aspirer à la résilience économique et sociale pour de larges pans de la population particulièrement les jeunes qui représentent 16% de la population mondiale. Ainsi, l’inclusion financière s’érige comme un pilier de cette résilience tant il est vrai qu’elle constitue un facteur d’intégration sociale et de croissance économique capable de réduire les inégalités et de rompre la transmission intergénérationnelle de la pauvreté.

Néanmoins et en dépit d’une prise de conscience mondiale, les statistiques de Findex estiment que seuls 53 % des jeunes dans les économies en développement ont accès aux services financiers formels. Les jeunes femmes sont encore plus désavantagées, avec un gender-gap de cinq points de pourcentage. Ces constats attirent l’attention sur les risques d’accentuation des vulnérabilités dans ces économies.

Considérant ces enjeux sur le développement durable, plusieurs appels ont été lancés en faveur d’un appui à l’inclusion financière des jeunes au moyen de politiques publiques ciblées.

La dernière déclaration de Kigali approuvée en 2019 à l’unanimité par les membres de l’AFI s’inscrit d’ailleurs dans cette lignée signalant ainsi un engagement fort pour tirer profit de la capacité des jeunes à stimuler une croissance inclusive.

Il est impératif de lever les contraintes entravant l’accès des jeunes aux services financiers parmi lesquelles, le manque de littératie financière, l’exigence de collatéraux, l’absence de customisation des produits financiers et la faible digitalisation.

Mesdames et messieurs,

Il va de soi que le relèvement de ces défis passe par la mise en place d’une stratégie globale d’inclusion financière des jeunes en vue d’assurer l’accès à une gamme diversifiée de produits et services financiers qui soit adaptée aux jeunes et offerte à des coûts abordables.

Cette stratégie devrait à mon avis s’articuler autour de trois axes :

  • Le premier axe est celui de la digitalisation des services financiers en tant que levier incontournable pour accélérer le processus d’inclusion financière, d’intégration de l’économie informelle et de consécration de la transparence financière. La digitalisation est d’autant plus importante qu’elle devrait répondre aux besoins de jeunes rompus à l’usage du smartphone et souhaitant fluidifier le parcours client tant sur le plan enrôlement que sur le plan
  • Le deuxième axe tend à explorer les pistes pour des formes de financement les mieux adaptées à cette cible. Le financement en P2P à l’instar du crowdfunding serait une alternative à considérer pour s’affranchir des contraintes du financement classique.
  • Le troisième axe est l’éducation financière tant il est vrai que l’accès et l’usage des services financiers requièrent un niveau minimum de connaissance des produits financiers pour mieux comprendre les risques inhérents et les opportunités et faire ainsi des choix éclairés.

Mesdames et messieurs,

Permettez-moi de saisir cette occasion pour partager avec vous quelques mesures prises par la Banque Centrale de Tunisie et le système bancaire tunisien en général pour améliorer le niveau d’inclusion financière avec un impact positif sur les jeunes.

Dans le cadre de la digitalisation des services, la Banque centrale de Tunisie a mis en place une stratégie visant à moderniser les infrastructures du marché des paiements, à améliorer ses règles de fonctionnement et à enrichir le paysage par de nouveaux acteurs tels que les établissements de paiement.

L’entrée en activité en 2021 de ces établissements, qui fonctionnent selon un modèle de gouvernance souple, un recours à un réseau d’agents et un KYC multi-niveaux, devrait à favoriser l’inclusion financière et agir en même temps en tant qu’aspirateur de cash.

Par ailleurs, la Banque centrale de Tunisie s’est auto assignée un rôle de facilitateur pour accompagner l’écosystème des Fintechs qui foisonne de jeunes talents en leur prêtant main forte afin de leur permettre de libérer leur potentiel. C’est dans ce cadre que s’inscrit la création en 2021 d’une sandbox réglementaire qui permet aux Fintechs de tester à petite échelle leurs solutions innovantes dans un environnement contrôlé.

S’agissant de l’aspect financement, et en plus de la microfinance en tant que alternative de financement ciblant une population non bancable, la Banque centrale est en train de développer un cadre réglementaire régissant les plateformes de financement en crowdfunding. Elle a par ailleurs inscrit la finance responsable en tant qu’objectif assigné aux banques de par leur responsabilité sociétale afin de soutenir les actions visant l’inclusion financière.

De même, une banque à vocation spécialisée à savoir la Banque Tunisienne de Solidarité a été mise à contribution pour promouvoir l’entreprenariat aussi bien par le financement des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur et de la formation professionnelle que par le refinancement des associations de micro-crédit.

Enfin, le développement de l’éducation financière dans un contexte où les produits financiers sont de plus en plus digitalisés constitue l’un des piliers transversaux sur lesquels repose la stratégie nationale de l’inclusion financière.

Ce projet est inscrit entant qu’action prioritaire dans l’agenda de l’Observatoire de l’Inclusion Financière qui est investi d’une mission de suivi de l’accès aux services financiers en Tunisie.

Mesdames et messieurs, 

Vous convenez certainement avec moi que l’inclusion financière est un axe majeur pour l’autonomisation économique et sociale des jeunes.

Néanmoins, nos pays se trouvent pour la plupart à la croisée des chemins en matière d’inclusion financière, avec d’une part une offre financière standardisée et d’autre part une demande en quête de produits customisés.

Ainsi, et malgré les avancées jusque-là réalisées, la pertinence de mettre en place un agenda pour renforcer l’inclusion financière avec des actions quick-wins n’est plus à démontrer aujourd’hui.

Le rôle des pouvoirs publics est certes important, mais il appartient à tout un chacun d’apporter sa pierre à l’édifice pour garantir que personne ne soit laissé pour compte.

Les autorités de régulation doivent engager des réformes pour promouvoir le canal digital comme canal privilégié des jeunes, tout en assurant la protection des usagers. D’ailleurs, le prix de l’AFI « Global Youth Financial Inclusion Award » vient à point nommé pour couronner les efforts des pays à ce titre.

De leur côté, les institutions financières devraient développer davantage leurs actions RSE en faveur de l’inclusion financière des jeunes afin de promouvoir le label «youth-friendly ».

Finalement, les organismes internationaux constituent un acteur de référence pour appuyer les politiques publiques nationales en faveur de l’inclusion financière des jeunes.

Tel est le cas de l’AFI qui offre un espace privilégié pour l’échange d’expériences, comme en témoigne l’organisation de ce séminaire

D’ailleurs, je tiens à saluer la pertinence de son document « Youth Financial Inclusion Policy Framework » qui constitue une note de cadrage pour une politique publique en faveur de l’inclusion financière des jeunes.

Mesdames et messieurs,

Je suis persuadée que les échanges que vous aurez dans les différentes sessions de ce workshop seront très instructifs et que les recommandations issues de vos travaux serviront à enrichir la bonne conduite de nos projets.

Je vous souhaite un bon séminaire et je vous remercie pour votre attention.


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